1984, l’œuvre visionnaire de George Orwell, décrivait hier une société totalitaire sous haute surveillance. Elle offrait une image effroyable d’un monde sous le joug de la pensée unique. « Big brother vous regarde ! » Cette seule phrase a marqué des générations de lecteurs. Or, il est frappant de voir combien 1984 rejoint 2016. L’anticipation fait place à la réalité, puisqu’à l’heure d’Internet, la moindre information est collectée, compilée et analysée.
Sur scène, 1984 présente une société despotique où chaque citoyen est en équilibre sur un fil. À tout moment, chacun peut être persécuté, voire exécuté, sous prétexte de défier l’ordre établi. C’est le cas de Winston Smith (Maxim Gaudette) dont l’idéal de vérité se heurtera à la Police de la Pensée. Et à moins de rejoindre la Fraternité, Winston sait que son journal l’expose à un lourd châtiment. Mais dans un monde sans âme, la résistance est-elle encore possible ?
Bienvenue dans notre monde
1984 n’a jamais été autant enraciné dans notre époque. Écoutes téléphoniques, privations de libertés ou encore espionnage à grande échelle, tout cela est bien réel. Snowden, WikiLeaks, et tous les autres lanceurs d’alerte l’attestent régulièrement : notre époque est sous contrôle. Il suffit de voir avec quelle facilité nous alimentons le Big Data et son profilage numérique.
La pièce est ainsi une redoutable satire sociale. Un huis clos anxiogène qui provoque chez le spectateur un certain malaise. Il est difficile de voir ce 1984 comme une simple représentation théâtrale. Cette impression est renforcée par l’utilisation d’une caméra qui filme en temps réel la prestation des comédiens. On assume alors le rôle de Big Brother, celui qui voit et entend tout. Plus rien ne nous échappe, car chaque détail apparaît sur un écran géant. L’auditoire a donc le choix d’observer le jeu sur scène ou d’en regarder la captation vidéo. Par cette mise en abîme, Édith Pathenaude fait preuve d’une belle créativité. La metteure en scène nous tend un miroir déformant qui souligne l’omniprésence de l’image.
1984 : la servitude sociale
Comme le texte original, la pièce est loin de briller par son optimisme. Dans un décor minimaliste, l’ambiance est lourde, sombre, voire sinistre. Maxim Gaudette joue un Winston broyé sous les rouages d’un système tyrannique. Voix basse et regard hagard, le comédien rend bien la contradiction de cet homme qui sort du rang sans avoir l’étoffe d’un rebelle. Il est à l’opposé de O’Brien, campé par un Alexis Martin aussi mystérieux que charismatique.
En cette ère numérique, 1984 reste donc une œuvre percutante qui dénonce toutes formes de manipulations. Et nul besoin de vivre dans un pays opprimé pour en ressentir les effets. À des degrés divers, nous sommes tous sous influences. Matraquage publicitaire, réseaux sociaux et médias de masse redéfinissent notre rapport au monde et à l’Autre. Quant à la notion de vérité, elle s’érode au profit de la désinformation. Ne soyons donc pas surpris que la célèbre propagande de 1984 trouve un étrange écho dans notre actualité :
« La paix c’est la guerre,
La liberté c’est l’esclavage,
L’ignorance c’est la force. »
Prenez le contrôle ou soyez contrôlé, à vous d’en décider !
Traduction : Guillaume Corbeil
Mise en scène : Édith Pathenaude
Avec Véronique Côté, Jean-Michel Déry, Maxim Gaudette, Éliot Laprise, Justin Laramée, Alexis Martin, Claudiane Ruelland et Réjean Vallée
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