8 comédiens se tiennent debout sur scène. Ils portent un même t-shirt sombre. Sans décor ni artifice, ils sont alignés face au public. Au centre, Mani Soleymanlou interroge ses complices sur la façon de faire du théâtre en 2017. La question a de quoi surprendre puisqu’on vient justement voir une pièce. On assiste alors à une fausse répétition où les comédiens cherchent la meilleure forme que pourrait prendre 8. Ils partagent leurs idées en s’adressant directement à la salle.
Et pour nous embrouiller encore plus, chacun joue son propre rôle. Déceler le vrai du faux est difficile, mais là n’est pas l’essentiel. Leurs préoccupations nous sont familières. Aussi futiles qu’existentielles, elles facilitent la projection. Le fameux quatrième mur vole alors en éclat, car on se retrouve directement interpelé. Dans leurs fêlures et leurs imperfections, ces comédiens/personnages nous ressemblent. C’est notamment le cas quand Kathleen Fortin pète sa coche à cause des travaux de la métropole. Elle évoque une frustration collective des Montréalais.
Un jeu à 8 !
Dans un second temps, la mise en scène change radicalement. On est convié à une soirée festive sous fond d’élections américaines. Divisé en saynètes, ce cadre est le prétexte pour brasser une myriade de sujets (la politique, la coexistence, la famille, le travail, etc.). Les comédiens sont bruyants, cyniques ou encore irrévérencieux. Mais leur chimie est telle que l’on a l’impression de se trouver entre amis.
Emmanuel Schwartz est un hallucinant animateur de party, Julie Le Breton une intello, Éric Bruneau un frimeur, Geneviève Schmidt une anxieuse. La palme de l’autodérision va sans aucun doute à Jean-Moïse Martin. Avec sa perruque et son déhanchement de danseur, il est hilarant. Quant au jeu « tu fourres qui ? tu tues qui, tu épouses qui ? », c’est un savoureux moment qui brocarde des personnalités.
Sous ses airs de comédie, 8 est aussi une satire sociale. Car derrière les masques, la légèreté côtoie le spleen. Ce n’est pas anodin si le party tourne court après l’élection de Trump ou que Kathleen Fortin entame une bouleversante Strange fruit a cappella. 8 est au final un spectacle à l’image de la vie : frivole, intense, grave et enjoué. Une pièce réflexive percutante bien de notre temps. À voir pour la performance de ce collectif qui transforme la scène en grand terrain de jeu.
Cinquième salle de la Place des Arts jusqu’au 28 janvier
Texte et mise en scène : Mani Soleymanlou
Avec Éric Bruneau, Guillaume Cyr, Kathleen Fortin, Julie Le Breton, Jean-Moïse Martin, Geneviève Schmidt, Emmanuel Schwartz et Mani Soleymanlou