Dans la pièce Art, présentée au Théâtre du Rideau Vert,après 23 ans d’absence, un tableau blanc sert de canevas. Blanc? Pas complètement…
Serge (Benoît Brière) paie une fortune pour un tableau. Une toile blanche, sur laquelle on peine à apercevoir des lignes diagonales blanches. Marc (Martin Drainville) n’en revient tout simplement pas que son ami des trente dernières années ait pu dépenser une telle somme sur une telle merde, peu importe la renommée de l’artiste. Yvan (Luc Guérin) est pour sa part entraîné dans cette querelle malgré tous ses efforts pour en demeurer à l’écart.
L’art avec un grand « A »
Évidemment, Art parle d’art. Qu’est-ce qui fait qu’un tableau est beau ? Comment peut-on en justifier le prix ? Et à quel point doit-on s’y connaître pour pouvoir juger de la beauté d’une œuvre ? Cette dernière interrogation ramène justement à la surface de vieux conflits entre les trois protagonistes. Par conséquent, la discussion de la pièce se concentre rapidement autour de l’amitié.
En effet, si au début, la chimie des trois acteurs rend parfaitement la complicité d’amis de longue date, le tableau s’assombrit très vite. Certes, l’interprétation demeure impeccable. Mais l’amitié, elle, souffre de cet inexplicable sentiment de trahison que l’on ressent tous à un moment où à un autre, quand un grand ami prend une décision qui nous paraît absolument inconcevable.
Et c’est là tout le propos de la pièce : comment peut-on évoluer, entre amis, en tant qu’individu qui respecte sa propre identité, mais aussi celle de ceux qui partagent notre route depuis tant d’années? Dans une querelle parsemée d’humour, mais parfois un peu longue, on tente de comprendre ce qui lie encore, après 30 ans, ces trois hommes si différents.


Quand les couleurs s’invitent
À l’instar de la toile qu’elle présente, Art n’est pas que blanche! Pour sa première mise en scène, Marie-France Lambert joue en effet avec les couleurs de l’éclairage pour transporter habilement l’action d’un appartement à l’autre. Des plus épuré, le décor est totalement efficace. La mise en scène simple donne toute la place au génie des comédiens et à la profondeur du texte.
Écrit il y a 25 ans par la dramaturge française Yasmina Reza, le texte déborde d’ailleurs d’intemporalité et d’universalité. La seule ombre au tableau réside dans sa couleur indéniablement française. Bien rendue, l’interprétation française aurait pu passer inaperçue. Or, l’inconstance de l’accent gêne à plusieurs reprises.
Ceci dit, Art est une œuvre réussie, grâce à laquelle on réfléchit sur l’amitié et ses fondements. De plus, l’incroyable chimie entre ses trois acteurs et leurs nombreuses répliques comiques (mention spéciale à Luc Guérin, dont un monologue s’est mérité une ronde d’applaudissements!) rendent la pièce profondément drôle. On en ressort donc diverti et impatient de retrouver nos amis proches pour ajouter leurs couleurs individuelles à notre vie!
Art
Au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 2 mars 2019
Texte : Yasmina Reza
Mise en scène : Marie-France Lambert
Avec : Benoît Brière, Martin Drainville et Luc Guérin