Le Théâtre Denise-Pelletier nous fait cadeau d’une œuvre majeure de Michel Tremblay mise en scène par Claude Poissant. Bonjour, là, bonjour questionne les murs trop étroits d’une normalité dite acceptable dans la quête du bonheur unique à chaque être qui soit. Un thème aussi d’actualité – sinon plus – qu’il l’était lors de la publication de la pièce en 1974.
C’est d’l’amour pis c’est vrai
Bonjour, là, bonjour se présente comme une série de 31 tableaux. À travers ces derniers, les membres d’une famille, centrés sur leur malheur, devront se résoudre à se parler. À l’approche de la trentaine, Serge (Francis Ducharme) revient d’un voyage de trois mois en Europe. Dès son arrivée, il est happé par la petitesse du monde dans lequel évoluent ses proches. Malgré la fermeture d’esprit de ses sœurs et la surdité de son père, Serge affrontera la réalité. En plein cœur du chaos de complaintes répétées des siens, il choisira de faire entendre sa voix et d’assumer l’amour inavouable qui le ronge.


© Gunther Gamper
Beau, pis effrayant en même temps
La mise en scène de Claude Poissant envoûte et étonne. Dès l’entrée sur scène de Serge, il y a quelque chose de planant dans la trame musicale (Laurier Rajotte) choisie pour le personnage. Ces moments de musique libèrent et apaisent, mettant fin au chœur des autres personnages. Ce rapport à l’écoute est essentiel et finement travaillé tout au long de cette tragédie. Le personnage du père (Gilles Renaud) ne raconte-t-il pas avoir été touché d’entendre la voix de ses enfants pour la première fois? Les deux amants, quant à eux, se crient leur amour lors d’une danse endiablée dont on salue la chorégraphie. Ils feront ainsi tomber les murs entre lesquels ils ont trop longtemps choisi de se cacher.
Une maudite belle maladie
Bonjour, là, bonjour offre des performances à la fois drôles et touchantes, mais surtout bouleversantes. On ne peut qu’aimer profondément les personnages. Si l’on se reconnaît un peu dans chacun d’eux, on envie surtout le courage de Serge. De tous les problèmes de cette famille, celui des deux jeunes qui s’aiment illégitimement semble être le moins pire. Ce qui est choquant, ce n’est peut-être pas tant cette relation que le fait qu’elle soit interdite par les autres. Cela est fort troublant.
La pièce propose une réflexion essentielle sur notre quête du bonheur. Cette petite voix que l’on tait trop souvent, de peur d’aller à l’encontre du discours établi. Si Michel Tremblay a offert à ses personnages d’écrire leurs propres règles de vie, il y a de cela près de 45 ans, il serait peut-être temps qu’on se le permette aussi.
Bonjour, là, bonjour
Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 5 décembre 2018
Texte de Michel Tremblay
Mise en scène : Claude Poissant
Avec : Sandrine Bisson, Mireille Brullemans, Francis Ducharme, Annette Garant, Diane Lavallée, Mylène MacKay, Gilles Renaud et Geneviève Schmidt