Billy est le cadet d’une famille de trois enfants. Sourd de naissance, il n’a jamais appris le langage des signes à cause de ses parents qui refusent de le considérer comme un handicapé. Mais leur déni isole leur fils qui se réfugie de plus en plus dans ses rêveries. Lors d’une soirée, Billy rencontre Sylvia, une malentendante en voie de devenir sourde. À son contact, c’est le déclic. Sa vie ne sera plus jamais la même…
Bienvenue dans cette tribu où tout n’est que coups de gueule et frustrations. Une famille excentrique qui ne parvient jamais à s’entendre. C’est d’ailleurs le paradoxe de ce clan intello-artistique, car de tous, Billy est le seul sourd. Il est même le plus équilibré de sa fratrie, malgré son handicap. Entre Daniel, son frère dépressif, et Alice, sa sœur pseudo-chanteuse névrosée, Billy est le lien sur lequel repose l’unité familiale.
Si au début, on porte un regard drôle et amusé sur ces personnages dysfonctionnels, on ne tarde pas à trouver l’ambiance un peu lourde. Des parents qui minimisent les problèmes de leurs enfants, des enfants qui peinent à s’assumer, la tribu s’englue dans un cycle sans fin. Billy servira de catalyseur pour briser cette chaîne. On lui refuse sa différence. Il rencontrera Sylvia qui l’accueillera dans la communauté des sourds-muets. On l’empêche de communiquer librement. Il apprendra le langage des signes. Et plus Billy s’émancipe, plus la relation avec les siens se détériore. On se rend alors compte que sa famille est atteinte d’une autre forme de surdité. Elle est incapable de l’accepter comme il est, de reconnaître sa singularité. L’handicapé n’est finalement pas celui que l’on croit, puisque Billy révèle l’incommunicabilité de ses proches.
Tribus joue sur les cordes sensibles du public, grâce à une mise en scène touchante et réaliste. De la disposition du décor à l’interaction des personnages, Frédéric Blanchette nous place dans un contexte intimiste qui renforce notre empathie. Et la prestation des comédiens y est aussi pour beaucoup. Monique Spaziani et Jacques L’Heureux incarnent avec justesse ce couple de parents sur le déclin ; Catherine Chabot (Alice), une sœur déboussolée attachante ; Benoît Drouin-Germain (Daniel), un frère torturé atteint de bégaiement; et Caroline Bouchard (Sylvia), une amoureuse tout en nuances. Quant à David Laurin, il livre une solide performance, subtil et authentique, où le comédien s’efface pour devenir Billy.
Tribus dépasse le simple cadre du handicap. La pièce nous sensibilise à la valeur de l’échange et de l’écoute, à l’acceptation de soi et de l’autre. Elle nous initie aussi à la beauté d’un autre langage : celui des signes.
Tribus jusqu’au 19 septembre
Théâtre La Licorne
4559, avenue Papineau (Montréal)
Billet : de 25,45 $ à 37,45 $
TEXTE Nina Raine
MISE EN SCÈNE Frédéric Blanchette
TRADUCTION ET ASSISTANCE À LA MISE EN SCÈNE Jean-Simon Traversy
AVEC Caroline Bouchard, Catherine Chabot, Benoît Drouin-Germain, David Laurin, Jacques L’Heureux et Monique Spaziani
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