Après dix années de séparation, Perdican retrouve sa cousine Camille. Mais le temps des jeux et de l’innocence a disparu, et les deux enfants sont désormais devenus grands. Si le Baron projette de les marier, il se heurte à leur refus. Camille rêve d’un amour absolu alors que Perdican aspire à profiter des plaisirs de la vie. En apparence, tout les oppose, hormis leur passion réciproque…
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Perdican et Camille s’attirent et se repoussent comme les pôles d’un aimant. Ils sont faits l’un pour l’autre, mais sont dominés par l’orgueil. Elle, semble distante, méfiante et sérieuse ; lui, paraît plus jovial, insouciant et frivole. Ce sont pourtant les faces d’une même pièce. Sur scène, Francis Ducharme et Alice Pascual incarnent ces deux êtres imparfaits pour qui la séduction est une joute verbale. Les comédiens reflètent avec subtilité les contradictions de Perdican et de Camille dans leur désir de plaire et de prendre l’ascendant sur l’autre. Leur chimie rend les personnages attachants et étonnamment modernes.
Et même si cette relation n’est pas 2.0, le texte se transpose très bien à notre époque. On ne badine pas avec l’amour parle notamment de la peur de l’engagement et de la préservation de soi, de la fragilité des liens et des caprices des sentiments. Autant de sujets qui trouvent un écho dans notre société.
La sobriété de la mise en scène renforce aussi cette impression, car Claude Poissant fait le choix de la simplicité. Le décor minimaliste se compose de quelques éléments mobiles, et les costumes sont actuels. Ce style épuré laisse une plus grande place au jeu. Le spectateur est ainsi plus attentif, voire plus réceptif, à la gestuelle et à l’expressivité des comédiens.
Une bonne distribution entoure les personnages principaux. Que cela soit Henri Chassé, en père déboussolé (le Baron), Christiane Pasquier, en vieille dévote (Dame Pluche), Martin Héroux (Maître Birdaine) et Denis Roi (Maître Blazius), en ivrognes profiteurs, sans oublier le chœur (Adrien Bletton et Olivier Gervais Courchesne), chacun a son importance. Grâce à ces seconds rôles colorés et absurdes, la pièce prend des allures de comédie.
Mais derrière cette apparente légèreté se cache une réalité plus cruelle ; celle des faux serments et de la manipulation. Le badinage s’avère alors dangereux. Quand Perdican se sert de l’ingénue Rosette (Rachel Gratton) pour rendre jaloux Camille, sa duperie ne sera pas sans conséquence.
Sa célèbre réplique sera alors à double tranchant :
« On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière ; et on se dit : J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. »
On ne badine pas avec l’amour pose au final un regard à la fois tendre et féroce sur les sentiments. Claude Poissant l’a bien compris dans son adaptation fidèle, mais néanmoins originale, de ce drame romantique.
On ne badine pas avec l’amour
Théâtre Denise Pelletier jusqu’au 24 octobre 2015
TEXTE Alfred de Musset
MISE EN SCÈNE Claude Poissant
Avec Adrien Bletton, Henri Chassé, Francis Ducharme, Olivier Gervais-Courchesne, Rachel Graton, Martin Héroux, Alice Pascual, Christiane Pasquier et Denis Roy
Photos: Christian E. Roy
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