Dans le contexte actuel, voir Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran est un baume à l’âme. Une façon de transcender des préjugés qui mènent au repli sur soi et au sectarisme. Et avec la tragédie récente de Québec, il est plus que jamais nécessaire de prôner le multiculturalisme. C’est la visée de la pièce d’Éric-Emmanuel Schmitt qui raconte l’amitié improbable entre un petit garçon juif et un épicier musulman.
L’âge, la religion ou encore l’expérience cimentent les liens des deux personnages que tout oppose. Du moins, en apparence, puisque le fougueux Moïse (Momo) trouve écho auprès du sage Ibrahim. La richesse de leur relation repose ainsi sur une altérité qui les rend inséparables. Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran est une pièce profondément humaine, à l’image de son créateur.
Schmitt le caméléon, Ibrahim le philosophe
Seul sur scène, Éric-Emmanuel Schmitt incarne tour à tour les personnages. Durant près de deux heures, il parvient à transformer un monologue en échanges vivants et colorés comme le ferait un conteur. Ses personnages vivent à travers lui, comme s’il était dépositaire de leurs mémoires. Chaque rôle possède sa voix, ainsi que sa propre personnalité. Schmitt est autant à l’aise dans la peau du jeune Momo que dans celle du vieil Ibrahim. On retrouve la soif de vivre de l’un et la maturité de l’autre. Et grâce à des tonalités différentes, Schmitt nous donne l’illusion de ne jamais être seul.
Le décor minimaliste renforce d’ailleurs la prestation de l’auteur/comédien qui rend l’énergie de chacun sans sombrer dans la caricature. Le spectateur doit être attentif pour apprécier les changements de posture et d’intonations. Schmitt est un véritable caméléon dont la bonhomie naturelle renforce notre attachement aux personnages. On aime ce jeune Momo avide d’expériences autant qu’Ibrahim, son mentor. On est attendri par leur relation fraternelle. On comprend mieux pourquoi le roman, le film, et maintenant la pièce, ont eu autant de succès.
Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran est un hymne à la bonté humaine. Une pièce solaire qui véhicule des valeurs positives (partage, écoute, entraide, don de soi…). Et dans une société encline à l’individualisme, cela fait du bien de voir un tel spectacle. Cette histoire du quotidien, simple et accessible, réaffirme un principe élémentaire : le vivre-ensemble. Le texte d’Éric-Emmanuel Schmitt rejette ainsi toutes formes d’intolérance au profit de la coexistence.
TNM jusqu’au 5 mars
Texte et interprétation Éric-Emmanuel Schmitt
Mise en scène Anne Bourgeois
Production Didier Morisonneau