De préjugés en stéréotypes, Race suit les déboires d’un riche homme d’affaires blanc qui aurait violé une jeune femme noire dans une chambre d’hôtel. Toute ressemblance avec l’affaire DSK est purement fortuite, puisque le texte a été écrit bien avant le scandale du Sofitel.
David Mamet a eu semble-t-il une vision prophétique lors de la rédaction de sa pièce. Sa fiction est un écho indirect à ce dossier tristement célèbre impliquant le président du FMI. Surmédiatisé, chacun avait eu l’occasion de commenter ce procès grand-spectacle où l’opinion publique était en défaveur de l’accusé.
Race se construit sur le même principe, avec au cœur du débat, la discrimination. Ici, ce n’est pas seulement l’agression d’un Blanc envers une Noire dont il est question; c’est aussi un homme confronté à une femme, un riche face à une pauvre. En bref, le mâle dominant blanc aurait abusé la pauvre femme noire. Les préjugés forment à eux seuls les chefs d’inculpation de ce procès.
Un huis clos moderne
Après la polémique du blackface ou le boycottage des Oscars, Race est saisissante d’actualité. La pièce insiste sur les failles d’un système sexiste et raciste. Si certains stéréotypes prêtent à rire, ils pointent un malaise social bien réel. David Mamet propose à chacun de s’interroger sur son rapport à l’autre.
Sur scène, on découvre l’envers du décor d’un cabinet d’avocats. Un cadre où tout n’est que calculs et marchandage. Au fond, peu importe si le prévenu est coupable ou innocent, pourvu que sa cause soit défendable. Voilà le raisonnement de Jack Lawson. Dans ce rôle, Benoît Gouin est terriblement cynique. Ses répliques sont affûtées comme des lames de rasoir et son humour cinglant. Lawson forme un duo explosif avec son associé noir, Henry Brown. Frédéric Pierre rend bien le caractère froid et méthodique de l’avocat. Sarcastique, il brille par son sens de la répartie. Leur tandem est en cela très complémentaire, autant dans le jeu que dans la performance. Henri Chassé est plus effacé dans le rôle du client, sans doute à cause de ses courtes apparitions. Myriam De Verger joue par contre une assistante juridique volcanique qui ne mâche pas ses mots.
La race humaine
Après Glengarry Glen Ross, David Mamet signe une autre pièce au vitriol de l’Amérique contemporaine. Race est une pièce percutante tant par son texte que par sa mise en scène. Martine Beaulne privilégie une approche frontale, dynamisée par des répliques accrocheuses. Dans ce huis clos juridique, le public se livre à un examen de conscience de ses propres préjugés.
Car dans un monde idéal, il ne devrait plus avoir de distinction entre Blanc ou Noir, homme ou femme, jeune ou vieux. La justice ne devrait pas être à deux vitesses suivant le profil de l’accusé. Dans un monde égalitaire, certainement, mais la réalité est tout autre.
Race, à découvrir au Théâtre Duceppe jusqu’au 26 mars.
Race
TEXTE David Mamet
MISE EN SCÈNE Martine Beaulne
AVEC Benoît Gouin, Frédéric Pierre, Henri Chassé, Myriam De Verger
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